Le mystère de l'augmentation des salaires chez monsieur Salingue

Il faut de temps se remettre dans le bain et se mettre  à lire des personnes qui se disent de gauche et qui se sentent le nec plus ultra de la pensée radicale en matière de lutte sociale, et c'est donc avec un certain sérieux que j'ai lu le papier politique sur le site du Nouveau Parti Anticapitaliste. Et là je m'arrête sur ce passage :




"Il n’existe en réalité aucun lien mécanique entre immigration et baisse des salaires, comme le rappelait par exemple l’économiste Anthony Edo, spécialiste des questions liées aux migrations, dans une interview à la Tribune en février 2017 : « Les immigrés ne sont pas seulement des travailleurs, ils consomment, entreprennent, innovent et participent ainsi à la création de richesses et exercent, en conséquence, des effets positifs sur la croissance, les salaires et l’emploi. »12 Ajoutons en outre, comme l’a souligné Roger Martelli, que dans un système économique aussi mondialisé qu’il l’est aujourd’hui, ce sont les faibles coûts salariaux dans les pays « du Sud » qui servent de principal moyen de pression aux capitalistes, et non la présence, dans les principales puissances économiques mondiales, de travailleurs immigrés13...  "




La première partie du paragraphe concernant le rapport entre immigration et baisse de salaire est à pondérer, bien sûr qu'à eux seuls les immigrés ne sont responsables de toute la misère des Français, notre misère c'est avant tout à nous même que nous la devons et aussi beaucoup à nos élites dirigeantes. Néanmoins tout le monde sait que que les règles édictées par les possédants jouent beaucoup sur le coût du travail. Et cette baisse du coût du travail s'effectue par la délocalisation des activités délocalisable et pour la masse des taches non délocalisables le coût du travail dépend des travailleurs disponibles sur le territoire, c'est la logique bourgeoise, je n'y peux rien.Pour l'instant nous allons omettre la question de la robotisation dans le travail en ce qui concerne la baisse du coût de production.  Ainsi pour donner un exemple le nombre de travailleurs disponibles joue sur le coût du travail je livre ici un petit article sur l'Angleterre aujourd'hui :

"En 2017, l'immigration nette de citoyens de l'UE vers le Royaume-Uni a chuté à 101.000, soit son plus bas historique depuis 2013. En conséquence, le nombre de candidats par poste vacant, qu’il s’agisse d’un emploi qualifié ou non, est en baisse depuis l’été dernier. Selon l’Institut agrée du personnel et du développement (CIPD), le nombre de candidats est passé de 24 à 20 pour un poste peu qualifié, de 19 à 10 pour un emploi moyennement qualifié et de 8 à 6 pour un poste hautement qualifié.
"Les données officielles les plus récentes montrent qu’il y a eu un ralentissement important du nombre de ressortissants de l’UE venus travailler au Royaume-Uni l’année dernière. Cela alimente les problèmes croissants de recrutement et de rétention, en particulier dans les secteurs qui ont toujours compté sur la main d’œuvre non-britannique", note Gerwyn Davies, du CIPD.

Les entreprises obligées d'augmenter leurs salaires

Face à ce choc d’offre, la moitié des entreprises confrontées à des problèmes de recrutement ont déclaré avoir augmenté leurs salaires à l'embauche "Dans ce paysage où les candidats sont peu nombreux, les employeurs doivent non seulement offrir un salaire attractif, mais aussi des avantages supplémentaires", indique Alex Fleming, recruteur au sein de groupe Adecco." ( source )


Si l'immigration ne joue pas sur la baisse des salaires comme l'affirme monsieur Salingue spécialiste en nouvel anticapitalisme , il se trouve que si ce que nous prenons pour argent comptant ce que nous livre la presse bourgeoise on voit apparaître magiquement un lien entre hausse des salaires et manque d'immigration pour ainsi dire. En admettant que tous les deux disent la vérité, on peut être tenté de penser que  si l'immigration  ne fait pas baisser les salaires,  elle ne joue  pas un rôle moteur dans leur augmentation.

Nous voyons ainsi le mystère  s'épaissir sur les rapports entre immigration et salaires, rapports passionnant si il en est puisque que c'est un sujet qui semble faire trembler la fibre trotskiste.


D'autre part le fait de citer un économiste qui semble nous dire l'immigration permet au système capitaliste de se développer encore mieux est un numéro de pirouette intellectuel  assez extraordinaire sous la plume d'un anticapitaliste. Le salaire étant dans la vulgate marxiste un rapport de soumission à l'employeur qui lui même répond aux codes d'échanges de notre système marchand. Je comprends la citation de l'économiste  Anthony Edo en ces termes, c'est à dire que pour lui l'immigration pérennise le système capitaliste ou améliore les performances du système. C'est un effet bénéfique en tous cas.

Donc tout va bien dans la meilleur des mondes et  si on se déclare d'accord avec monsieur Anthony Edo, pourquoi diable vouloir changer de système si l'immigration nous apporte la croissance et l’innovation avec des effets positifs pour l'emploi et les salaires. Si c'est le chemin vers le progrès social  que l'on recherche on se demande pourquoi diable monsieur Salingue se déclare anticapitaliste. Franchement le " c'est bon pour la croissance, l'emploi et les salaires " est une vieille ritournelle surtout utilisée par les libéraux du type Wauquiez. Nous mesurons à quel point l'esprit de nos contemporains est colonisé par les catégories bourgeoises quant un anticapitaliste autoproclamé reprend ces éléments de langage sans sourciller. La croissance n'est que l'extension en chiffre de la domination marchande sur le monde , une histoire de comptabilité à l'usage des propriétaires des moyens de production. C'est mon avis et je peux largement me tromper.

Certes une partie de la théorie marxiste laisse à penser que le développement du mode actuel de soumission et d'échange participe au dessein final de l'humanité dans la mesure où le capitalisme produira les capacités matérielles de l'émancipation de l'humanité et que comme par magie les rapports marchands s'étioleront d'eux même sous l'effet d'énormes contradictions internes et qu'il suffira alors d'un petit coups de pichenette prolétarienne pour précipiter les rapports marchands induisant les profondes injustices dans les poubelles de l'histoire.

le petit soucis de cette fable dialectique réside un peu dans son temps de réalisation si toutefois une telle chose est réalisable, plus que dans le temps de réalisation c'est le côté croyance quasiment eschatologique du raisonnement qui laisse songeur.

Mais pour en revenir à des choses moins métaphysiques monsieur Salingue écrit " Que certains employeurs et responsables politiques instrumentalisent l’immigration pour renforcer les logiques d’exploitation est indéniable " , bon les exemples de Bouygues   dans l'après 1968 ou du syndicat patronal de l'industrie de bouche actuellement sont là  pour prouver que certains employeurs sont là pour renforcer les logiques d'exploitation. D'ailleurs ont-ils vraiment le choix, rappelons qu'un entrepreneur se doit d'être concurrentiel sur le marché pour survivre et pour cela une des variables d'ajustement du coût de production c'est la main d'œuvre. C'est donc dans la logique du capitalisme de renforcer les logiques d'exploitation sinon on se demande pourquoi on aurait des nouveaux anticapitalistes. Si l'on considère que le capitalisme ou le système de domination actuel  peut s'amender de lui même alors il suffit de laisser passer le temps. Dans la critique du capitalisme la question n'est pas que "certains employeurs et responsables politiques" soient plus méchants que d'autres mais que le mode de fonctionnement du monde marchand est pernicieux en lui même indépendamment de la qualité de ses acteurs. C'est à dire que que la lutte pour la survie en tant qu'entreprise contre les autres entreprise amène fatalement à une recherche de baisse des coûts, même les entrepreneurs les plus scrupuleux et les plus intègres seront obligés d'utiliser tous les outils à leur disposition pour demeurer concurrentiel sous peine de disparaître.

Mais ce qu'il y a d plus mystérieux dans l'anticapitalisme de monsieur Salingue est vouloir absolument faire profiter des joies des pays entièrement gangrené par le mode de pensée bourgeois à des personnes qui proviennent de pays où une autre façon de penser les rapports sociaux est encore possible, pour le dire autrement il prend acte des préférences de l'humanité souffrante pour les pays qui constituent l'antre de la pensée bourgeoise. Les migrants ont voté avec les pieds et préfèrent une  expérience dans les pays où le capitalisme a triomphé pour l'instant plutôt que de tenter une expérience socialiste ou autre dans leur propre pays. C'est un fait.

Pour résumé je ne remet pas en cause la sincérité  des nobles pensées qui animent monsieur Salingue dans sa quête de plus de justice dans ce monde, mais ses arguments pour convaincre ses contemporains me laisse les bras ballants.Il va sans dire que je ne partage pas son analyse pour des raisons qui semblent assez évidentes.







Commentaires

Articles les plus consultés