Enlisement



Pont des Romains . [ Strasbourg ]

L'homme contemporain a l'œil rivé sur l'écran, théoriquement rien ne semble lui échapper. Mais paradoxalement, il semble que le progrès technologique se détache du progrès dans les consciences.

« On croyait jusqu’à présent que la floraison des mythes chrétiens sous l’Empire romain n’avait été possible que parce que l’imprimerie n’était pas encore inventée. C’est tout le contraire. La presse quotidienne et le télégraphe qui en répand instantanément les inventions à travers toute la planète fabriquent, en un jour, plus de mythes que tout ce qu’on a pu en réaliser autrefois en un siècle; et le stupide bourgeois accepte ces mythes et les colporte. »

Citation de Marx à propos de la presse (Lettre à Kugelmann, 27 juillet 1871)

Je me permets d'ajouter que c'est non seulement la bourgeoisie qui colporte les mythes, mais aussi surtout ce qu'il faut appeler le prolétariat pour rester dans la tonalité. Combien de fois ne me suis-je pas trouvé en butte avec des collègues qui défendait des conceptions parfaitement erronées des rapports humains. Mais ces collègues, grands défenseurs des valeurs bourgeoises du haut de leur esclavage salarié subissent de plein fouet les plans de licenciements. Merci patron! Voilà de la pédagogie!

Le processus de désinformation mis à jour par Marx va s'accentuer si l'on en croit Julien Gracq. La débâcle est surtout une débâcle des consciences, et l'on comprend un peu mieux pourquoi nous en sommes arrivés à un tel niveau de résignation. Nous payons sans rechigner la crise financière. On ne peut qualifier ce qui s'est passer à travers la crise du crédit hypothécaire d'errement du capitalisme, ce type d'événement constitue l'essence même du règne de l'esprit bourgeois. Ce qui apparaît avec le mythe de la dette des états, c'est une épuration du capitalisme des éléments qui lui sont le plus étrangers, c'est à dire à la dissolution des éléments antagonistes que sont les sentiments de communauté humaine hors de son système de représentation.

« Mais il restait, en 1940, beaucoup plus de place pour la fantasmagorie. La sous-information en temps de guerre a fait depuis Napoléon III des progrès foudroyants. Le dernier des troupiers de Mac Mahon connaissait en partant pour Sedan la situation de guerre, et la liste des défaites, dont les journaux ne cachaient rien. En 1940, le black-out dans les cervelles était complet; la désinvolture foudrayante du rêve était le seul mode de jonction des nouvelles incohérentes qu'on pouvait rassembler. »

Julien Gracq, Proust Suivi De Stendhal, Balzac, Flaubert, Zola ...

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