Rue Abbé Lemire . [ Strasbourg ]


Quand j'étais marmot, je fréquentais les anciens combattants. En lisant Sven Hassel je me suis souvenu tout particulièrement d'une histoire incroyable que m'avait raconté un ancien marin. L'homme était chauve, dans les soixante-dix ans, il avait un cou de taureau. Nous le rencontrions souvent à Toulon, nous passions des soirées sur le quai Stalingrad à boire des « formidables », pour moi c'était naturellement des sirops à la limonade. La police militaire américaine patrouillait encore sur le quai, à deux pas de l'arsenal. Ce monsieur buvait son premier sérieux une heure avant midi pour nettoyer la tuyauterie, enfin c'est ce qu'il disait. Il nous est arrivé de passer des moments à la plage. C'est là où l'on pouvait admirer ces multiples tatouages. Je ne me rappelle plus que de celui d'une mistinguette sur son bras droit, elle avait des accroche-cœurs en dessous de son bonnet de marin surmonté de son fameux pompon. Ce visage de jeune fille était situé à l'intérieur d'une bouée où dominait la couleur blanche. Ce marin avait été fait prisonnier par les allemands dans la poche de Dunkerque. On le transporta, je ne sais pourquoi et comment sur le front russe. Et du front russe, il rapporta ce fait étrange et terrifiant à mes oreilles d'enfant. Il m'affirma avoir vu un convoi de charrettes tirées par des chevaux se faire écraser par des panzers à cause du brouillard épais, à la fin du passage des blindés, il ne restait rien ou presque du convoi. Il ne m'en dit pas plus et je ne voulais pas en savoir davantage. En lisant La légion des Damnés je lis approximativement le même genre d'histoire. Sven Hassel a un style, son roman se lit très bien. Les scènes de propagande soviétique sont drôles. Je me souviens de celle où un tract exhortait les soldats allemands à éliminer les SS, dans ce même tract les russes étaient appelés à se débarrasser de leurs camarades de la Gépéou. Il était question après ce passage de l'idée de révolution qui devait résulter de la fin des hostilités. Ce passage n'était pas sans rapport avec le souvenir de la révolution allemande de 1918. Celle qui vit 16000 marins alsaciens descendre de Kiel à Strasbourg et déclarer l'«Elsässische Räterepublik». Le vieux marin qui avait vécu Dunkerque, le front russe et l'Indochine me laissa un ouvrage, ou plutôt on me le donna car j'étais celui qui était le plus susceptible de le lire : Pour connaître la pensée de Marx d'Henri Lefebvre. A l'intérieur du livre, je découvrais deux articles de journaux, l'un portant sur la vie de Marx qui datait de 1983 et l'autre sur les marins alsaciens du http://fr.wikipedia.org/wiki/Clemenceau_(porte-avions) datant de 1996.

Commentaires

Articles les plus consultés