Des atomes crochus pour l'emploi.


Achenheim.









Que vous disais-je, certaines élites se sont penchées sur l'arrêt du nucléaire en France, et leur conclusion ne souffre pas de discussion. Le nouveau contrat social est le suivant : emplois contre radiations. Tout cela vous est expliqué par monsieur Prud'homme. Ce monde a des allures de plus en plus ubuesques.

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L'arrêt du nucléaire coûterait cher aux Français en emplois ainsi qu'en pouvoir d'achat
Point de vue | Le Monde | 04.01.12 | 14h23   •  Mis à jour le 04.01.12 | 14h23
par Rémy Prud'homme, professeur émérite à l'université Paris-XII



our évaluer le coût de la fermeture d'une centrale nucléaire, on dispose d'une source solide : une étude de 2010 de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) qui dépend de l'OCDE. Cette organisation internationale compétente et impartiale a, sur la base d'environ 200 études de cas dans une vingtaine de pays, calculé le coût de production de l'électricité selon les différentes filières, en distinguant coûts d'investissement (y compris coûts de démantèlement) et coûts de fonctionnement (y compris coûts de combustibles et d'entretien), en prenant en compte la durée de vie des installations, et le nombre d'heures de fonctionnement par an. Selon cette source, le coût total s'établit comme suit, en euros par MWh : 42 pour le nucléaire, dont 17 pour le fonctionnement ; 61 pour le thermique ; 69 pour l'éolien terrestre ; 117 pour l'éolien maritime ; 293 pour le solaire. On notera que les prix payés en France aux producteurs d'électricité éolienne ou solaire avec le système des obligations d'achat sont supérieurs aux coûts correspondants de l'AIE-OCDE.
On peut penser que ces chiffres ne prennent pas assez en compte les dépenses de rénovation des centrales nucléaires françaises, auxquelles l'Agence de sécurité nucléaire (ASN) impose ou va imposer d'importants travaux. On estimera ce coût à la moitié du coût de construction à neuf évalué par l'AIE, soit 13 euros/MWh.
coût de la fermeture d'une centrale nucléaire est la différence entre le coût de l'électricité qu'elle produit (17 + 13, soit 30 euros par MWh) et le coût de la production de l'électricité alternative (de 61 à 293 euros par MWh). Ce dernier dépend du mélange d'électricité thermique, éolienne terrestre, éolienne maritime et solaire qui remplacera l'électricité nucléaire éliminée. La composition de ce mélange n'est jamais précisée. On supposera un mélange par parties égales, qui engendre un coût moyen de 135 euros par MWh.
La différence entre les deux coûts est de 105 euros par MWh. Comme un réacteur produit en moyenne 7 TWh par an, le coût de l'abandon d'un réacteur s'élève à 735 millions d'euros. Il s'agit d'un coût annuel, à supporter pendant toute la durée de vie de la centrale nucléaire fermée.
Il est élevé parce qu'il résulte de la différence entre le seul coût de fonctionnement et de remise à neuf d'une centrale nucléaire en état de marche d'un côté, et le coût total, y compris le coût d'investissement, des centrales alternatives à construire, d'un autre côté. Dans un pays sans centrales nucléaires, la différence serait moins grande. On voit aussi dans les chiffres de l'AIE-OCDE qu'une augmentation de la part du thermique dans le mélange pourrait diminuer ce coût - mais augmenterait les rejets de CO2 et les importations de combustibles fossiles.
Le coût de la fermeture de 24 réacteurs serait donc d'environ 18 milliards d'euros par an. Ce coût serait à la charge des consommateurs, qui paieraient chaque année 18 milliards de plus pour avoir la même quantité d'électricité. Leur pouvoir d'achat serait amputé d'autant. Peut-on dire que l'abandon total du nucléaire - la fermeture de 58 réacteurs - coûterait pareillement 43 milliards ? Non, car leur remplacement ne pourrait pas être aux trois quarts assuré par des énergies intermittentes comme l'éolien et le solaire. Il devrait l'être pour plus de la moitié par du thermique. Cela réduirait le coût à quelque 30 milliards d'euros, au prix d'une très forte augmentation des rejets de CO2 et des importations de combustibles.
17 000 EMPLOIS
Le coût de la fermeture d'une centrale est aussi un coût en emplois. Le chiffre des emplois directs qui disparaîtraient - environ 3 000 par centrale - est important, notamment pour les travailleurs concernés. Mais il faut considérer en regard les créations d'emplois directs dans l'électricité thermique, éolienne ou solaire, même si leur nombre est limité par le fait que les combustibles thermiques sont importés en totalité, et que les éoliennes et les panneaux solaires le sont en partie. Le solde, c'est-à-dire l'impact en termes d'emplois directs, serait sans doute assez faible.
Si les Français payent 1 milliard de plus pour leur électricité, ils vont dépenser 1 milliard de moins pour leurs autres achats. Et cette diminution de la demande va entraîner une diminution de l'activité et de l'emploi dans d'autres secteurs. De combien ? D'environ 17 000 emplois. C'est le chiffre que l'on obtient en divisant le nombre des emplois du secteur marchand par le nombre des milliards de consommation des ménages.
On peut donc dire que la fermeture d'un réacteur détruit 12 500 emplois. La fermeture de 24 réacteurs implique donc la disparition d'environ 300 000 emplois ; celle de toutes les centrales 400 000 emplois.
On a le droit d'être prêt à payer ce prix en niveau de vie et en emplois pour sortir du nucléaire. Mais pas celui de vouloir en sortir en feignant d'ignorer ces coûts.

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