Une construction de situation cauchemardesque.

Fromentine.














J'ai rencontré une ancienne connaissance sur le trajet qui me mène à mon travail. J'étais dans la rue du Ban de la Roche, et je me dirigeais vers la rue de l'Abbé Lemire par le tunnel qui passe sous l'autoroute. Je me souviens encore de ce monde sans ce petit périphérique. Le jardin ouvrier de la cousine de mon père était immense, autours de la baignoire qui servait de réservoir d'eau, de grandes herbes jaunâtres prenaient le soleil de l'été finissant. Maintenant, tout cela est enseveli par le talus de l'autoroute et par des automobiles prisent dans les ralentissements. Et c'est à cet endroit que je croise un grand gaillard tenant un sac de supermarché dans lequel on devinait une machine à écrire. Renseignement pris, c'était un ordinateur pour animer une émission radio à la Semencerie, un endroit où grouille l'artiste. Une fois le contenu mystérieux du sachet dévoilé, mon bonhomme me dit d'un air narquois qu'il imaginerait bien une émission de radio dont il serait l'animateur avec moi et un vieil anarchiste des familles. Le thème de l'émission : est-on post-situationniste. N'étant plus assez de gauche pour expliciter ce qu'est le situationnisme, je ne me sentais pas comme faisant autorité en la matière. Mais la logique élémentaire commandait de lui répondre instantanément que oui, nous étions bien post-situationnistes dans le sens que où le situationnisme a vécu et qu'il n'en reste que des vestiges. Et que justement nous étions dans cette rue, au centre des décombres du situationnisme, en pleine zone de création artistique. Ainsi, j'ai pu admirer un peintre à la bombe qui s'évertuait à peindre une grosse tache circulaire à l'aide de petites taches circulaires, des catapultes à graine de millet attachées aux lampadaires, des chaussettes en laine aux couleurs chatoyantes pour protéger les arceaux à bicyclettes du froid, des traces multicolores de pneus qui s'entrelaçaient sur la piste cyclable… Tout cela ressemblait furieusement à ce qu'on pourrait appeler une construction de situation en pleine rue sponsorisée par le contribuable.