Les anecdoctes du plan social I





Fin de la rue du 22 novembre . [ Strasbourg ]


Aujourd'hui, nous voyons le spectre des licenciements massifs réapparaître dans notre bonne ville de Strasbourg. Et c'est modestement que je fais œuvre de témoignage en la matière. Ma petite expérience de délégué du personnel m'a donné quelques lumières sur le déroulement d'un plan social. Vous allez me dire qu'une imprimerie de 150 personnes ne se ferme pas comme le site General Motors de 1500 salariés. Une fermeture complète comme je l'ai vécue ne se négocie pas comme une simple réduction de personnel. Dans le premier cas,tout le monde est sur le même bâteau qui sombre et la chaloupe de sauvetage est très petite. Dans le second cas les passagers tentent le plus souvent de jeter leur voisin par dessus bord. L'image est un peu forte, je le concède. Pour ceux qui vont être jetés dans les flots tumultueux de l'océan sauvage, seul compte le montant de la bouée de sauvetage, c'est à dire la prime de départ. Tout cela est fort simplifié et fait fi du sentiment d'honneur qui se cache au fond du salarié. C'est donc dans une vision purement utilitariste et vénale que je vais aborder le problème, à savoir la somme de la prime de départ. C'est cette question et non une autre qui taraude le futur ex-travailleur, enfin la plupart du temps. C'est du moins le sujet de conversation qui revient le plus souvent quand on parle de plan social. Pour preuve, j'ai rencontré récemment un ancien collègue. La discussion se porte sur nos anciens compagnons de travail. Et là j'apprend que l'entreprise était prête à mettre le double d'argent pour le plan social. Je suis assez surpris car j'ai assisté à pratiquement toute les réunions officielles avec la direction. J'aime autant vous dire que ce n'était pas cet air que la direction nous chantait. La plus grande surprise venait de la source de l'information. C'était notre ancien directeur de production, fringant jeune homme qui n'a pas pu participer aux négociations car il avait été débarqué quelques mois avant la fermeture de l'imprimerie. Ayant conservé des liens d'amitiés avec quelques rares ex-travailleurs de son ex-entreprise, une fois la bataille passée, notre jeune homme se livra à quelques confidences. On peut se demander à juste titre ce que vaut ce type de témoignage post-festum. A titre personnel, je pense que le milieu des cadres supérieurs est assez limité dans cette branche d'activité et que circule parmi eux toutes sortes d'informations innaccessibles aux pauvres mortels que nous sommes. Mais de temps en temps, ceux qui siègent sur le mont Olympe se plaisent à initier quelques vulgaires dans le secret des dieux. Cette révélation contient un second sens implicite qui n'aura échapper à personne. Les négociateurs du côté ouvrier étaient mauvais. Il est vrai que nous étions une équipe de délégués du personnel inexpérimentée et sans dynamisme. Ceci pour des raisons en grande partie historique, j'y reviendrai peut-être un autre jour. Nous n'étions pas une dream-team, c'est le fait majeur à retenir. Et dans le cas d'une fermeture totale de site, nous étions forts dépourvus devant une équipe de professionnels aguerris aux plans sociaux. Dans la majorité des plans sociaux, on soumet l'accord final au vote des salariés. Il ont voté oui deux mois après l'annonce, sans grands combats, contents de s'en tirer à si bon compte, sans avoir lutter réellement. Pour en arriver là, il faut créer une ambiance, c'est tout l'art de la direction. Comme dit, je reviendrai sur les détails ultérieurement. Ce qui est important, c'est qu'un cadre supérieur puisse se livrer à ces confidences assez étonnantes. C'est à dire que dans le cadre d'un plan social, on peut toujours obtenir plus, immanquablement. Personnellement, je prends sa parole pour argent comptant. C'est la leçon à retenir pour aujourd'hui. A charge pour les salariés de ne pas perdre leur sang froid et leur détermination.

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