Calvaire . [ Marlenheim ]
Emmanuel Todd tient la dragée haute face aux caméras du petit écran, et dans un sens ce n'est que justice. Les personnes qui sont un tant soi peu au courant du sens du flux de valeurs vous disent la même la chose. Le prix Nobel d'économie,Joseph E. Stiglitz, estime que la crise financière de 2008 à 2010 a été une période de redistribution de la richesse comparable à celle qui a eu lieu lors du démantèlement de l'Union Soviétique dans les années 1990. Il faudrait parler d'une fabuleuse occasion pour un petit nombre de s'enrichir. Alors que la crise de 1929 avait touché tout le monde, la crise du crédit américain qui par extension est devenu la fameuse crise de la dette n'a touché que les pauvres et quelques établissements bancaires. Les établissements bancaires qui ont survécu aux États-Unis, et c'est une majorité, ont survécu et se sont enrichi grâce l'argent du contribuable. C'est une chose que plus personne n'ignore. Maintenant, par un coup de baguette magique, nous sommes dans le moment de la dette souveraine, moment agrémenté des commentaires des agences de notations qui n'avaient rien venir de la crise des crédits hypothécaires. Ce sont ces gens là qui font augmenter les taux de remboursement de la dette. Tout le monde s'accorde à penser que l'on nage en pleine science fiction, sauf les instruments de propagande qui s'échinent à nous tenir en haleine sur la dégradation possible de nos capacité de remboursement, qui entraîne comme bien entendu un renchérissement du crédit. Tout cela Todd nous l'explique fort bien.
Par contre, là où j'ai du mal à le suivre, c'est sur son analyse de la politique commerciale de l'Allemagne. Certes elle a imposé un gel des salaires durant une décennie. Bien sûr, elle s'est ouverte vers l'est, avec en premier lieu l'Allemagne de l'Est. Il paraît que le salaire moyen annuel des Ossi est d'un tiers inférieur à celui du salaire moyen annuel de la région de Hambourg, et il serait inférieur de 10% à celui du salaire moyen annuel du Français. Certes, comparaison n'est pas raison, en continuant dans l'aire d'influence du Deutschmark d'antan, on s'aperçoit que les entreprises allemandes ont pu bénéficier d'un appui logistique et d'une réserve de prolétaires que n'avait peut être pas la France. Il faut dire aussi que la structure industrielle de l'Allemagne n'est pas la même que la France, que les rapport sociaux sont un peu différents, que les Allemands n'ont pas la culture du centralisme bureaucratique et qu'il règne encore un fond de tradition et de « patriotisme » industriel chez le patronat allemand.
Le gel des salaires n'explique pas à lui seul l'excédent de la balance commerciale allemande, si il ne suffisait que de petits salaires pour être premier en Europe, alors il me semble qu'un pays comme le Portugal devrait la locomotive de notre continent. D'après Todd, l'Allemagne est capable de s'enferrer dans les pires ornières idéologiques et serait à la France de lui expliquer avec franchise de quoi il en retourne réellement. Emmanuel Todd est sans conteste un spécialiste de l'Allemagne, j'ai lu avec surprise et intérêt son introduction à un ouvrage consacré à la sociologie du troisième Reich. Mais tout cela est un peu passé, et il me semble que nous n'avons pas leçon à donner à l'Allemagne en matière d'impasse idéologique. J'en veut pour preuve la sortie du nucléaire amorcée par nos amis d'outre Rhin. Même Siemens s'est retiré d’Areva. Nos élites nous assènent encore l'excellence française en matière de nucléaire : irradiera bien qui irradiera le dernier. Nos gouvernants se font un point d'honneur à vanter une politique sociale du type " emploi contre radiation ". Si nous touchions à noter filière d'excellence, alors là, le dernier pan industriel français s'écroulerait, nous laissant que des déchets radioactifs. Comme vous pouvez le constater, ils en sont arrivés là, rien ne les arrête. Certes, on peut reprocher à l'Allemagne sa rigidité budgétaire. Mais pour effectuer un choix de société qui se passe du nucléaire, ils ont les neurones moins sclérosés que les Français.
Commentaires
Un plaisir.